Sans défense
Elle se laissait aller. À ne pas se défendre. De peur de blesser, par mégarde.
Un chaton l'aurait griffée au sang sans qu'elle ne bouge son bras.
Elle basculait sa gorge, offerte à l'estafilade des mots en rasoir.
J'avais envie de la prendre par le coeur pour lui montrer sa beauté à protéger.
Je voulais lui décapsuler la tête pour qu'elle entende ses mots-galets, ses mots lisses, qui percutent l'onde en ricochets.
Je voulais lui dire, tout doucement...
Tu es si belle. Ne laisse pas le chat jouer à te blesser.
Tu es si fatiguée. Ne laisse pas ce poids en armure sur tes épaules.
Mais
je n'ai pas trouvé les mots. Parce qu'elle les sait tant et plus, les
mots. Qui sont ses amis depuis toujours. Elle peut bien les
effacer, faire croire qu'ils sont perdus, personne ne peut les oublier.
Parce qu'ils brûlent un peu la rétine de ceux qui entendent ce qu'ils tracent en rigoles.
Elle
ne savait pas qu'il fallait qu'elle creuse le sol pour y laisser son
empreinte. Que le monde n'est pas que sable doux où les pas déposent leur relief à l'envers. Qui s'effacent à
la première marée. Le monde est dur. Et les ongles s'y cassent en voulant y
planter des mots. Mais qu'elle allait y arriver. Malgré tout. Parce que
la vie est en elle, profondément. Dans tous ses mots en graines.
Elle
ne savait pas la loi. Qui
fait mal, blesse et arrache des larmes. La loi qui veut que des vies se
séparent, et toujours dans la douleur. Elle ne voulait pas de cette
loi. Et regardait, sans comprendre qu'elle s'y était arrêtée, à les protéger, qu'elle ne respirait plus, qu'elle haletait.
Alors, elle ouvrait grand ses bras, fermait les yeux
et tournait en hurlant. Quand personne ne la voyait. En hurlant comme
une louve, à la lune pleine.
Dis, tu m'entends ?
Je voulais te dire. Tout doucement...