Dans ma nuit
Dans ma nuit je fermais les yeux. Pour mieux te voir peut-être. Dans le silence noir, les mots allumaient des lampions vacillants. Certainement le vent de la mémoire. Dans ma nuit les ombres jaunes dansaient sur un air entêtant. Les rondes des mots enfantins formaient des bracelets qui s'entortillaient.
Dans ma nuit je fermais les yeux. Pour mieux oublier peut-être. Mais la valse jouait à mille temps et les soupirs chaviraient. Le corps vacillait de ne pas bouger, ne ne pas étreindre l'autre qui tournoyait. Dans mes rêves peut-être.
Dans ma nuit je fermais les paupières. Comme portes du tombeau de mes amours mortes. Les charnières se rouillaient en grincements familiers. De mes nuits si lasses. De mes rêves absents. Les verbes aux couleurs fraîches me glaçaient la peau dénudée. De joie peut-être.
Dans la nuit si froide de la tiédeur oubliée, je me recroquevillais en murmures indociles et muets. Les mains posées, chavirées de rien étreindre, les doigts blêmes de se taire. En parfum monotone.
Le jour viendra. Et les yeux clos vacilleront de mon présent imposé, violeur de la lumière éclatante du jour noir. Mes paupières décolleront le voile de velours de l'oubli.
De ma nuit je déchirerai le drap du temps, en couleur transparente.
De ma nuit je crierai, muette, l'absence.
Le jour viendra.