Ces années là ...
Rainette a doucement entr'ouvert la porte des souvenirs
de quadra, a souhaité
humer le parfum de naftaline de 5 lieux, 5 objets et 5 personnages qui
m'ont marquée. Le nombre n'y est pas, mais le papier de soie déplié m'a
offert les sourires tendres de ces moments là...
(10 ans) Je
découvrais la métropole, après mon enfance à Tahiti. Et ce grand-père
que j'appelais "pépé", dont je garde cinq ans de souvenirs avant qu'il
ne meure. Pépé le marseillais, avec ses yeux bleus, son sourire franc
et son tiercé. Le tiercé du dimanche, à la télévision, avec Léon Zitrone ! Chuuuut, il ne fallait pas parler, écouter les couleurs des casaques ! Et oui... c'était en noir et blanc, la télévision ! et les réclames aussi ! Et Pépé m'a fait découvrir le roquefort ! Sublime tartine
qu'il me tendait lors de nos visites ! Je ne sais presque rien de lui, mais son
sourire...
(15 ans) J'enfilais mon blouson en nylon turquoise. Mes chaussures vernies
turquoise. Cette couleur me protégeait des ciels noirs de
l'adolescence. C'était mon été à moi, même dans l'hiver de mes pensées
qui tremblaient de leur immaturité à vivre. J'avais 15 ans. L'Autriche
m'accueillit pour ce sempiternel voyage linguistique d'été. Chez nous,
on payait des voyages, on payait les clubs de gymnastique, on payait la
carte annuelle au tennis-club. Chez nous, on m'éduquait à connaître les
bases de ce que représentait pour eux une bonne éducation. Et j'enfilais mon blouson turquoise, comme
un mot d'amour bleu.
Les
amies de voyage m'attendaient. J'ai oublié leurs noms, pas leur
sourire. Ni ce petit objet que nous nommions un "tac-à-tac". Vous vous
souvenez ? (depuis ils ont ré-édité ce jeu maudit pour les os fins des
poignets !). Deux boules en bois accrochées à une cordelette, et un
anneau au bout. Il fallait saisir l'anneau et d'un mouvement sec et
régulier faire s'entre choquer les boules dans un rythme d'enfer ! Mes
poignets avaient pris une jolie couleur bleue, pas du tout assortie à
mon blouson !
(16 ans) Nous
chantions à tue-tête Mike Brant et portions des pantalons aux pattes
d'éléphant... Soignions le mal de vivre adolescent à coup de chansons
bleuettes. Nous haïssions Franco et la guerre du Vietnam, rêvions de l'île de Wright et de Joan Baez.
Je
fumais des cigarettes P4 -ou qui portaient un nom tout aussi étrange-,
pour quelques centimes ! Et nous buvions notre café du matin dans un
petit bar où les bérets basques et les "maïs" étaient chez eux. Le café
coûtait 2 centimes de moins qu'à côté, c'était important ! A 35 centimes le café... (et oui, moins de 5 centimes d'€...)
(17 ans).
Avec Geneviève, mon amie, mon inséparable... sur sa mobylette, cheveux
au vent (et oui, les casques n'étaient pas obligatoires!), nous allions
dans un salon de thé, parfois. Quand nos heures de baby-sitting nous
avaient enrichies ! Et là...estomacs délicats, ne lisez plus, la nausée vous guette..
Là, parmi ces élégantes biarrotes aux cheveux mauves ou bleus, caniche
bien peigné et tailleurs Channel, nous commandions notre gourmandise...
Deux chocolats chauds chantilly, des toasts, et un supplément de
chantilly je vous prie. Les toasts croustillants et chauds, dont le
beurre avait fondu, étaient alors recouverts de crème et trempés dans
notre chocolat mousseux...
Tout ça, voyez-vous, ces goûts, ces
couleurs, ces parfums, ces musiques, et bien ce sont mes os qui ont
grandi, mes amitiés qui se sont fabriquées. Le terreau dans lequel je
puise la force d'avancer, en me disant que non, tout n'a pas été "à
jeter" de ces années là...