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Motus et bouche cousue
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16 octobre 2005

Elle et eux

Elle, mon amie
Elle parlait, doucement, avalait de longues bouffées de fumée en souriant étrangement. Elle était toujours si absente, pourtant. Marguerite aux feuilles une à une détachée par des doigts impatients. Il ne restait que son coeur poudré de soleil et si lourd.

Elle
me parlait de son amant-du-moment, me racontait leurs rencontres. Si gaies et frivoles, leurs rires, leurs peaux. Elle secouait  sa cendre doucement, avec attention, comme si ce seul geste était vêtu d'une importance extrème. Sa voix s'enrouait. Elle me parlait de son parfum qui devenait fardeau, de la poudre jaune de son coeur, qui salissait sa poitrine, qu'il fallait bien secouer. Son amant-du-moment (...) Comme Elle en parlait tendrement, toujours. Et aussi d'Elle, comme putain qui se dégoûtait de se donner ainsi. A corps perdu dans ce mélange qui lui brûlait la peau de mensonges. Elle riait, et sa voix rauque mentait. Son lit aux odeurs précieuses, les draps froissés qu'Elle ne dépliait pas, le soir. Comme il était aveugle, mais comment le blâmer de ne pas savoir, de ne pas la voir. Elle mentait avec un sourire radieux ! Comme un enfant qui a fait une bétise sans importance. Elle lui donnait son corps, se vendait l'âme pour devenir un moment une autre. Une femme qu'il aurait pu aimer. J'aurais voulu l'appeler, lui crier de ne pas la blesser. Au moins cela. A défaut de l'aimer, de ne pas ... Non, mes pensées s'arrêtaient. De ne pas quoi ? Comment la faire s'aimer ? Elle ? Je l'écoutais parler, se taire et sourire. Je l'écoutais de mes yeux remplis de larmes de ne pouvoir l'aider. Elle était déjà morte. Elle le disait, et je finissais par y croire, moi aussi.   
Comme Elle pouvait être "attachante" ! Cela la faisait rire, ce petit mot que eux, amants-du-moment, copies si fidèles, lui collaient à l'âme.
Attachante ! "Comme une tache qui résiste aux lavages", avait-Elle rajouté en riant ! Je les comprenais alors, en la regardant rayonner de son sourire. Oui, je la trouvais attachante, moi aussi, bien sûr ! Si je ne la connaissais pas depuis trente ans j'aurais été dupée. Qui pouvait la voir, puisqu'Elle ne se dénudait pas ? Son amant-du-moment ? Il ne voyait que sa peau, bien sûr ! Fouillait de son sexe et de sa langue ce qu'Elle lui donnait, taisant le coeur poudré de jaune qui se courbait sous son corps. Puis Elle se lavait avec application. Comme salie de s'être laissée aller à s'ouvrir, troublée à chaque fois.
Pourtant certains l'avaient aimée. Je les avais vus  de leurs regards l'envelopper toute entière. Et Elle riait. Comme éclairée de se croire en paix. Mais ils voulaient la changer, la faire devenir plus conforme, copie certifiée de son sourire-toujours. Elle disait "putain de sourire, je le hais".   Et Elle se blessait de ne pas être aimée toute entière, avec ses failles, ses peurs. Ils n'en voulaient pas, de ses maux. Alors Elle partait. Faisait sa valise, pliait consciencieusement ses sentiments, son chagrin violent, son amour blessé.

Elle
parlait, doucement, avalait de longues bouffées de fumée en souriant étrangement. Elle était toujours si absente, pourtant. Marguerite aux feuilles une à une détachée par des doigts impatients. Il ne restait que son coeur poudré de soleil et si lourd.

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Commentaires
M
Dia, francis, mirae, merci. Quand je sens que mes émotions sont partagées c'est un vrai bonheur (oui, j'assume le mot).
M
Très beau, l'émotion transpire dans ce texte
F
et toi tu l 'écris si bien,vraiment: une des rares et réelle émotion parmis mes clics hasardeux...
D
Comme à chaque fois que tu écris d'ELLE...c'est si beau
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