Leur premier opéra
C'était dimanche après-midi. A 15 heures; les quatre ados et
moi-même, juchés sur les fauteuils minuscules du Paradis du Théâtre du
Capitole. Velours rouge et jambes blêmes de la circulation coupée ! (pas moi, je me suis déchaussée et entortillée dans des positions qui, à défaut d'être orthodoxes étaient bien plus agréables).
Nous sommes ressortis à 19h20.
D'abord moi
; encore dans Verdi, encore dans ces voix qui me bouleversent, ces
décors somptueux. Un sourire accroché aux lèvres, les yeux un peu moins
bien maquillés, je n'arrive pas à retenir les larmes parfois ! J'ai
acclamé Béatrice Uria-Monzon, la Princesse Ebolie (une femme, une
vraie, avec des sentiments qui enflammaient sa voix, une présence ! La
Callas aurait été parfaite dans ce rôle), ai applaudi Daniel Dessi,
mais l'ai trouvé bien moins investie, plus classique. (Berlioz, je tente de parler de ce que j'entends, j'ai beaucoup de mal, j'aurais aimé avoir tes mots ce soir !).
Quant à la mise en scène, somptueuse, forte. En particulier dans
l'expression de l'Inquisition. Imaginez la scène qui se creuse d'un
trou béant et noir, d'où émergent lentement des corps blessés enchaînés
à des poteaux qui deviendront croix. Pendant que Verdi emplit la salle
de ses notes déchirantes. Et l'apparition de Charles Quint, de ce
monumental escalier qui surgit sans que rien ne le laisse deviner.
L'escalier seul signifiait la suprématie. Et quand le choeur du
Capitole emplissait la salle de ces voix.. les larmes, la peau qui se
dresse de tous ses poils. Que c'est beau, si vous saviez !
Puis eux. Ah, il faut donc en parler ? Bien bien...
"Trop long". Franchement, ils auraient pu raccourcir (il a déjà été raccourci, enfants...)
"Ils ne traduisent pas tout".
Le traducteur est une merveilleuse invention pour permettre de suivre
l'intrigue. Verdi, c'est de l'italien, ne l'oublions pas. Et il n'est
pas toujours aisé de comprendre que ce "mère" se traduit de nos
jours par belle-mère, ce qui évite d'imaginer une histoire
incestueuse... Et bien malgré les merveilles du traducteur, leur
culture à eux est celle du "on va à l'essentiel". Or, l'Opéra n'est pas
qu'un message à chanter... Donc, tous les mots "en trop", les
répétitions... trop long. Certes, trop long, j'ai bien compris le message... Donc ceux de six heures.. "quoi, il y a des tarés (sic) qui vont voir ça ?". Je crois qu'ils ont été contents de l'expérience, mais je laisse le mot de la fin à mon ado de 16 ans. "Au moins, à la maison, tu choisis ton CD de musique classique et t'es tranquille, bien installé et ça ne dure pas 4 heures...."
J'ai tenté d'expliquer qu'il s'agissait d'Opéra, pas que de musique...
mais j'ai senti une profonde lassitude, alors nous avons choisi les
pizzas du repas !
Pizza Verdi, si je vous dis qu'elle existe, me croirez-vous ?
Cette note, vous la lirez pendant mon court séjour à Bordeaux -hélas uniquement pour le travail ! mais Dia n'y coupe pas le week-end prochain
!- Je ne lirai vos commentaires que mardi soir, dans l'espoir d'y lire
un désir né en vous. Oui, j'espère que vous aurez l'envie, un jour,
vous aussi, de tenter l'aventure de l'Opéra. Si vous saviez comme c'est
beau . Une fois, essayez une fois !
J'y ai goûté, par hasard !
quand j'étais jeune femme. Il s'appelait Denis, était à Sciences-Po.
M'avait juste demandé "Es-tu libre samedi ? ". Malgré mon pantalon usé
et mes Clarcks fatigués, ce garçon m'avait invité dans cet endroit
merveilleux. Le Théâtre du Capitole. Je crois bien qu'il avait su avant
moi que la musique, les choeurs, les solistes, là, qui emplissent tout,
m'empliraient moi aussi. J'avais pleuré. C'était la première fois. Nous
étions dans une loge, parmi cette foule élégante, si différente de ce
monde à trois francs six sous qui était mon quotidien. Je ne possédais
qu'un poste radio ! Merci, Denis (j'oublie beaucoup de prénoms, mais pas le tien), tu m'as ouvert la porte du Paradis ce jour là.