Braderie
Je t'aime.
Ouf, je croyais les avoir oubliés, ces trois ptits mots !
Je peux répéter ?
Je t'aime.
Hé, ça coule de source, c'est goulayant en bouche !
Je t'aime.
Non, je ne me suis pas hyophilisée ! Ni brûlée la bouche. Victoire !
Je t'aime.
Jolie sonorité, souvenirs familiers.
Je t'aime.
J'y prendrais donc goût ?
Je t'aime, je t'aime.
Atteinte. Je crois que c'est le diagnostic.
Je t'aime, mon amour.
Non, là, il faut que je m'arrête.
Je t'aime, mon aimé.Mon amour, mon aimé, mon doux, mon coeur, ma tendresse, mon amant, mon aimant, ma source, mon suave, mon toi, mon..mon..mon...
Mais, deviendrais-je possessive ?
Mon ?
Mon personne.
Qu'est-ce que je raconte là ? A-t-on besoin de répéter, comme une leçon, comme texte au théâtre ? Mais non, je me souviens bien, ils coulent comme une source. Quand c'est le moment. Le moment de les dire.
Je t'aime.
En solde avant hiver ! Je brade les souvenirs. A la pelle. Un quintal pour madame ? Un paquet cadeau peut-être ? Non, vous avez raison, à la poubelle directement.
En solde avant l'hiver, amour défunt. Je basarde, j'écrase, je déblaie, nettoie, récure.
En solde, vieilleries mitées, sentiments piétinés, usés jusqu'à la corde ! Allez, messieurs-dames, approchez-vous, n'ayez pas peur, c'est l'heure du nettoyage d'automne. Oeuvre de salut public, collection passée de mode, en solde.
Je t'aime.
Je ne dois pas oublier.
Je veux.
Un jour,
vivre "je t'aime".
Coeur décapé, couche d'apprêt posée, il manque encore le choix des couleurs. Ptit coeur rose balbutiant ? Ptit coeur rouge s'enflammant ? Ptit coeur à peindre aux couleurs du bonheur !