Tu es un homme, mon fils.
C'était hier.
Je l'attendais dans le hall d'arrivée. Avais
plongé des années plus tôt, alors qu'il revenait, sa pochette accrochée
à son cou, suivant docilement l'hôtesse de l'air.
Je l'attendais.
Et quand je le vis, là, parmi ces hommes affairés qui sortaient d'un pas pressé...j'ai su. Il était devenu comme eux.
Un homme.
Mon
bébé, mon fils, mon gars, mon ado, mon jeune homme... Voilà, tu es un
homme maintenant. Je le savais, mais un peu seulement, comme un soupçon
qui demandait une preuve. Maintenant je le dis, l'affirme, tu es passé
de l'autre côté. Dans ce monde parallèle et superposé, ce monde dont
nous avons franchi sans nous en rendre compte la frontière, un jour. Où
l'on se souvient d'avant, quand on était petit. Où l'enfance a un
parfum qui nous remplit d'émotions.
Nous l'attendions tous les deux.
Elle n'avait pu prendre le même vol que toi.
Tu me l'avais dit au téléphone, toi si secret pourtant !, "je suis amoureux" et ta voix était si gaie ! Pourtant tu as vécu trois ans avec une autre... mais sans jamais me dire ces trois mots là, criants de vérité. Tu es amoureux, et cela se voit, mon fils.
Nous l'attendions.
Celle
qui te rend l'oeil vif de la guetter, le regard inquiet de ne pas la
voir, là, tout de suite, parmi les premiers ! Celle dont tu
m'avais dit "Elle est belle, elle est intelligente, j'aime son
esprit et son sourire!". (aujourd'hui je peux te le dire, ce n'est pas l'amour qui te rend aveugle, elle est tout cela!).
Quand elle s'est approchée de toi, son sourire était lumineux. Elle t'aimait de ton regard tendu vers toi !
Merci, mon fils, d'être heureux. Merci d'être devenu ce que tu es, un homme. Responsable, réfléchi, prêt à aimer.
Et
quand je lis au bas de tes mails ta signature, qui s'achève sur ce
"Président du Comité pour une syntaxe libertaire"... et bien je suis
encore plus fière de toi. Ne dis pas que c'est stupide, c'est ainsi.