Personne ne m'aime...
Les jours passaient. Je laissais s'infiltrer en moi la chanson douce et amère. "Et bien voilà, tu en voulais la preuve, la Mouette, il n'y a pas grand monde qui pense à toi." Vraiment pas grand monde. Malgré tout je tournais la petite clé de la boîte aux lettres avec une pointe de joie. Mais la boîte était emplie de vide. Un ptit truc publicitaire, de-ci, de-là... Je me consolais en me répétant, "c'est le mois d'août". Et me faisais du mal en me disant "personne qui t'aime"....
Ce fut alors que je fis la connaissance de mes futurs nouveaux voisins.
Quand M. Voisin sonna à ma porte, il se présenta en deux mots ; "C'est nous qui avons acheté la maison d'à côté, en ce moment nous la retapons. C'est tout à casser ces vieilleries"...Je sortis donc, armée de mon sourire le plus avenant pour me présenter aussi à femme-et-enfants-futurs-voisins, assis dans leur voiture dont le moteur tournait.
M. Voisin était pressé, il me le fit comprendre ; "Pourquoi avez-vous le N° 10 sur votre maison ? ".
Et bien, depuis 21 ans que j'en suis l'heureuse propriétaire, voyez-vous, elle est ainsi numérotée, et depuis encore bien plus longtemps, d'après les papiers notariés, M.Voisin, tout simplement. J'habite au N° 10.
M. Voisin eut le sourcil excédé ; ah, parce que notre future maison aussi a ce N°....
Tentative d'explication ; non, votre entrée est sur l'autre rue, regardez, elle est numérotée du N° 25, elle avait une seule entrée, mais une porte a été rajoutée ajoutée, non numérotée. Et bien oui, je connaissais mes anciens voisins, quand même, deux personnes âgées qui m'avaient expliqué...C'est vous, M. Voisin qui avez décidé que ce serait un 10... en réalité la mairie lui ajoutera un bis, je vous en fais le pari ! Bon, ça, je l'ai juste pensé...
M. Voisin eut le sourcil énervé ; bon, je vais régler ça. Parce que j'avais dit à la poste d'envoyer tout le courrier du n°10 à mon adresse actuelle (à 300m de chez moi, ils aiment le quartier !). Alors évidemment j'ai été voir pourquoi je recevais le vôtre. De courrier. Si vous êtes aussi au 10, évidemment...
Mais, je suis la maison au n° 10, M. Voisin, vous n'avez donc pas regardé la plaque avant de décider -avec le facteur d'été- de faire transiter mon courrier ?
Je respirais, il y en avait qui m'aimaient, alors, puisque j'avais du courrier ! Chouette !
Et je lui demandai donc, toute guillerette, de me le donner, ce courrier tant attendu.
Mais M. Voisin n'avait pas le temps, peut-être demain, ou après-demain. J'ai cru rêver, là... cauchemarder même ! 300 mètres à faire, et il n'avait pas le temps ?
Je filai à la poste (ça aide d'être une ancienne du quartier!). Le fax partit aussitôt au centre de tri, et le lendemain à 8 heures le facteur chargé de la tournée d'été appela. Extrêmement gêné. Il n'avait pas réalisé ce qu'il faisait, était désolé... et encore plus d'apprendre que M. Voisin ne m'avait rien donné de mes trois semaines de courrier...
Deux heures après, petit facteur confus me déposait les divers courriers qu'il venait de récupérer chez eux ; impôts, caisse d'allocations familiales, sécu, assurances scolaires... et... et le plus chouette, le plus agréable....vos cartes !!! Plein !!!
Merci...merci...
Et vous voulez savoir ce que j'ai dit à mes enfants, en leur parlant de nos futurs Mme et M. Voisins ?
"Consigne à respecter ; bonjour, bonsoir, et on évite tout le reste... je ne les "sens" pas... mais pas du tout même !"
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