Mais où est donc ORnicar ?
Moi
? Une pépite d'or ? Le plus pur ? disais-tu !
Tu
pensais m'offrir une joie précieuse par ces mots ? me donner cette valeur
qu'aucun code-barre ne chiffre encore ? Tu pensais me panser ? Me
déposer sur un plateau délicat, en bijoutier de mon âme ? Me couvrir
d'un voile pailleté ?
Mais elle est dure, mon âme. C'est un roc. Bien loin de ce
métal mou. Pas comme cet or rougi de
tant de convoitises assassines, de tant d'égards veules.
Tu pensais me
rassurer ? Dorer le plomb qui m'enserre, comme ce couvercle que
Beaudelaire a du laisser traîner.
Mais
je ne suis pas d'or, moi. Chair, sang et
os. Pas de minéraux autres qu'en infimes molécules. Le sel des larmes,
l'urée des urines. Tant d'autres. Moins nobles, n'est-ce pas, que cet
or que tu revendiques avoir trouvé en moi ! D'ailleurs où as-tu été le
pécher, avec ton tamis virtuel ? Dans la grotte secrète de mon corps ?
Tu as fouillé et trouvé ? C'est cela ? Mais oui, bien sûr ! Moi, que tu
ne vois jamais parée de bijoux dorés. Moi dont tu aimes la nudité. Mais pas que cela, oui, je sais.
Et mes rires. Et nos promenades, nos pizzas et nos cafés. Alors
je t'offre ces quelques vers. Tu vas les trouver beaux, tu aimes la
poésie, je le sais bien. Trop bien. La poésie et le piment. Mon rire et
mes hanches. Mais pas ma vie. Cadeau ! Des mots d'or. D'or, du vrai, du pur et dur.
"Ô l'or ! sang de la force implacable et moderne ;
L'or merveilleux, l'or effarant, l'or criminel,
L'or des trônes, l'or des ghettos, l'or des autels ;
L'or souterrain dont les banques sont les cavernes
Et qui rêve, en leurs flancs, avant de s'en aller,
Sur la mer qu'il traverse ou sur la terre qu'il foule,
Nourrir ou affamer, grandir ou ravaler,
Le coeur myriadaire et rouge de la foule."
Emile Verhaeren