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Motus et bouche cousue
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27 janvier 2006

Etoile noire

Il regarde autour de lui, inspecte les pièces une à une. Tout est ok. Pas nickel-nickel, mais correct. Pas trop rangé, mais au moins propre. Il n'y a pas de slips qui traînent ou de trognon moisissant au coin d'une étagère. Ca ira bien, quand ils viendront.
Il enfile son blouson. Ferme un à un les fermetures et les boutons pressions. Avec des gestes familiers et mécaniques. Pas besoin de réflexion. Il fait cela depuis si longtemps. La cagoule et l'écharpe. Pour ne pas avoir froid. Il se demande comment son corps fait pour y être toujours sensible. Alors qu'il sait bien que le néant a déjà rongé un à un tous les organes. Il y a une étoile noire, avide, qui l'habite. Mais la peau est là. Vive et sensible à la morsure du froid. Elle n'a pas oublié les caresses douces qu'elle y déposait de ses lèvres tendres. Sa peau qui se désquame en pellicules ternes. Elle l'aurait massé avec de l'huile d'amandes douces, en riant doucement, de son rire de gorge qu'il aimait tant. Sa voix serait devenue rauque et ils en auraient ri. Tu ne peux pas dissimuler tes émotions, mon amour !
Il prend les clés et ferme la porte. Comme d'habitude. Ils ne doivent pas se douter de quoi que ce soit. Surtout lui. Il ne comprendrait pas, se sentirait coupable de n'avoir pas vu, pas compris. Il n'y peux rien. Pauvre gosse. Quand elle était morte il lui avait pris la main, sans un mot. Et ils avaient pleuré en silence. Elle leur manquait. Pourquoi t'es partie, merde ! Fallait pas tant nous aimer, fallait pas. Tu n'avais pas le droit de nous planter là, nous deux. Comme deux orphelins. Je n'y arrive pas. Je n'ai plus envie. J'ai essayé, tu sais. Mais je ne peux plus faire semblant. D'être le papa si admirable. Quel beau veuf que voilà. Ils s'occuperont de lui, ne t'en fais pas. Mes parents et les tiens. Il y arrivera. Il a ton caractère. Moi je ne peux plus.
Il regarde la moto, époussette machinalement la selle, enfile le casque et les gants. 
Tu me manques, accrochée à ma taille, si fine que je ne te sentais pas. Je vais aller là-bas, près de ce lac où nous avions passé tant de dimanches. La route en lacets est parfaite. Personne ne se doutera que... Bien sûr que non, ils s'en douteront ! Mais personne ne pourra jamais affirmer que... Personne. Pas lui, ne t'en fais pas. Surtout pas lui. Je vais te rejoindre. Je vais m'oublier, comme tu nous as oubliés.

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Commentaires
M
Il neige aujourd'hui. Blancheur inouïe, comment garder l'éclat noir en ce jour ?
E
un éclat...<br /> un éclat noir...<br /> un éclat noir qui brille en toi...
A
Oui, seul le silence peut accompagner ce texte.
L
difficile de mettre un commentaire,<br /> le coeur y est
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