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Motus et bouche cousue
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6 décembre 2005

Points de suspension

Elle avait choisi les mots un à un.
Quelques mots doux, qu'elle tissait en voile de soie.
Qui se poserait sur sa peau.
Quelques mots durs, qu'elle égrenait en collier.
Qui enserrerait son cou.
Elle déposa ses mots au ciel béant. En points de suspension. Et attendit. Que les vent vienne les ensouffler. Ses points de suspension, d'interrogation. Les entourbillonner. Les virgules et les petits points, les blancs et les lettres. En musique qui la ferait rêver et tournoyer. Elle attendit. Longtemps. Levant ses yeux grands ouverts vers le ciel béant et immobile.
Elle ferma les yeux. Reprit ses mots déposés en offrande ignorée. Rageusement, entre ses deux paumes rêches de se taire, entre ses doigts noués de ne rien étreindre. Brutalement, déchira la soie, arracha le fermoir.
Un à un ils tombèrent dans la boîte. En bois blond. Un à un, se mélangèrent en silences mats. Ne voulaient plus rien dire, en embrouillaminis de points de suspension bêtement accrochés aux points d'interrogation. Ils ne chantaient plus. Se serraient les uns contre les autres. Les petits points tremblotants, les virgules soumises. Dans un silence étrange, ils se terraient. Attendaient dans le noir qu'elle soulève le couvercle de bois. 
Elle regarda la boîte.
Vissa le couvercle, pour être bien sûre qu'elle ne s'ouvrirait pas de sitôt.
Contempla ses ongles comme si rien n'était plus intéressant soudainement que ces lunes noires. Devant le ciel béant qui se taisait. Encore des mots. Ils s'étaient cachés là, décollés de sa peau en écorchures sales. Elle saisit la lime de métal, râcla en ricanant les mots perdus.
Elle s'assit devant son écran. Écrivit. Froissa ses doigts, effaça les caractères résistants. Sélectionna et écrivit en blanc sur blanc. Silences éclatants. En noir sur noir. Paroles muettes. Pour personne. Pour la page blanche de ce ciel béant. Pour les mots transparents des poèmes rêvés qu'elle ne saurait jamais noircir d'encre.
Elle choisissait les mots un à un ... en points de suspension.

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Commentaires
A
j'ai toujours eu un enorme faible pour les poings de suspension.. ceux qui s'ouvrent ou se recroquevillent au fil des peines et des joies.<br /> <br /> :)
M
Oh si, elle le sait, s'y accroche comme une bouée quand la tempête est là. Elle l'écrivit, dans son ancien blog, et ces mots furent prémices d'une séparation... "Les mots sont ma survie"... Les points, qui la maintiennent comme des clous, au sol, pour l'empêcher d'aller trop loin dans ses rêves un peu fous...
D
C'est un texte magnifique...Elle ne sait peut-être pas la chance qu'elle a de pouvoir ainsi mettre sur papier ou clavier, les mots, les points qui sont en Elle...
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