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Motus et bouche cousue
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16 septembre 2005

Seconde peau

Souvent je ne peux qu'enfiler un pantalon. Noir. Et un petit haut souple et doux, surtout doux. Et moelleux. Rien d'autre ne me permettrait d'affronter la journée qui approche. Elle n'a rien de spécial pourtant, cette journée à venir. C'est tout simplement moi qui ai besoin de cette seconde peau là. Qui va me protéger, me bercer.
Le pantalon noir, en coton. Qui cachera tout, surtout la peau. Qui offrira à mes jambes la liberté de grimper, de plier, de se tordre. Le pantalon sans sexe affiché, androgyne. Non, pas fluide ou rebrodé.  Comme un pantalon d'homme.
Le petit haut, si doux, surtout si doux et mou, sur lequel je passerai la main souvent, en fermant un peu les yeux. Que je plisserai dans mes doigts. Dans lequel j'enfouirai mon nez. Dans lequel je pourrai me mouvoir des bras, attraper mes mains dans mon dos, comme prisonnière de moi. Comme pour éviter que ces mains ne se tendent dans l'espoir d'être prises doucement.
Parfois je ne peux que sortir ce déguisement. Mon pantalon aux milliers de bulles multicolores. Comme grains de raisin ou décorations de Noël. Boules translucides et éclatantes de couleur. Ce jour là je sais bien qu'ils sauront tous que j'ai envie d'éclater de rire, de faire le clown. Du moins je l'espère. Je veux le croire. Pantalon si gai, seconde peau aux éclats. Sonnez trompettes de couleur !
Quelquefois des paillettes brillent dans mes yeux. Comment, celle-là dans la glace, c'est moi ? Mais ça ressemble bigrement à une fille, ça ! Allez, tenter la panoplie. Aujourd'hui je n'aurai pas l'air déguisée en robe, je me sens prête. Non, même pas peur d'y faire penser, que je suis une fille. Ils pourront le croire, j'aurai l'oeil mutin, les gestes empruntés, la démarche oscillante...oui, un peu ridicule... pour me protéger de trop jouer celle-là. J'y arrive. De plus en plus souvent. Bon, pour le coup, je dois des remerciements ; à ma thérapeute-d'avant-quand-vraiment-j'en-avais-besoin, et à ceux que j'aime et qui me font me sentir belle et bien dans leur regard.
Mais hélas ...oui, je sais, vous pouvez pouffer et ricaner, la thérapeute, j'en aurais bien besoin, là, quand je suis au bord des convulsions à l'idée de mettre cette jupe là...
Celle que soeurette m'a offerte. Cette jupe courte. Enfin, courte...Si, quand même, puisque le genou est dévoilé. Jupe jolie, cadeau d'elle, si attentive. La trouver magnifique, pleine de charme, avec son velours ras, ses plis plats. Devoir la mettre. La porter? Même pas ! M'y soumettre, à porter ce vêtement qui va donner une apparence de moi. Si différente. M'y sentir dévoilée, sans protection aucune. Jupe qui libère les jambes et enchaîne mes mouvements pourtant.
Et bien voilà, aujourd'hui, je l'ai portée. Pour la première fois. Bon, à cette heure ci, je suis en tenue normale, à la maison. Oui, parce que je l'ai portée tout aujourd'hui, mais l'ai enlevée dès mon retour quand même. Pas prête à être en fille toute la journée. Des fois que je pourrais m'en convaincre...
Pourquoi tant de poids dans ces vêtements, dans cette seconde peau ? Seconde ? La première en réalité... celle qui est perçue par les autres. Pourquoi craindre la féminitude de l'apparence ?
Maintenant,  je connais la réponse.

Je me rappelle chacun des mots, chaque seconde de cet instant là. Qu'importent les mots dits, moi, je les sais.
Et cette voix qui a hurlé en moi, "jamais, jamais, tu ne donneras aux autres la possibilité de te voir dans cette réalité là. Tu ne te dévoileras qu'au regard aimant et respectueux, tu offriras alors la pudeur extrême de te dénuder de tes oripeaux. Tu décrocheras le masque à ce moment là. Et personne d'autre ne pourra te blesser, parce que personne d'autre ne te verra."
Et tu te feras du mal, car tu seras lisse et transparente, aussi facile à briser que du verre. Parce que tu chercheras ta vie entière à vouloir que l'on t'aime pour cette réalité camouflée. Et tu en seras flouée, bien sûr ! Mais ça, j'ai mis des années à le comprendre. Peu à peu j'arrive à aller à l'encontre de ce cri qui est écho en moi depuis tant et tant de temps. J'apprends à ne plus avoir peur. A ne plus croire qu'un vêtement me protègera, me camouflera.

Hommes qui me lisez, pères qui me lisez, respectez vos filles. Aussi de vos mots.
Ne les jetez pas dans l'arène, comme animal dont vous seriez fiers, comme bétail.
Aimez les pour ce qu'elles ont en elles, ce qu'elles sont, pas ce qu'elle paraissent.
S'il vous plaît. Pour qu'elles se plaisent.
Aimez les avec respect, pour qu'elles s'aiment.

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Commentaires
M
Dia, quand on fait d'aussi beaux bébés que les tiens, il est pardonnable de ne pas retrouver sa ligne en 3 semaines !!!
D
sniff, que personne ne me parle de fringues, je rentre dans presque rien!
M
Des sentiments, oui, mais surtout du respect. De ce qu'ils sont. Garçons ou filles. Même si notre sexe nous confére je crois, une perception parfois trop vive du ressenti. Ou en parlons-nous plus facilement ? J'avoue ne pas savoir. Si chaque individu est unique, des différences nous caractérisent malgré tout.
B
Qu'il est difficile de dire à ses enfants qu'on les aime. N'ayant pas moi même eu cette chance et de peur de reproduire le même schéma c'est quelque chose à laquelle je me suis astreint, ne pas cacher mes sentiments vis à vis de mes enfants. Finalement, il n'y a besoin que d'un effort au début, c'est devenu vite naturel.<br /> <br /> Avec des filles, je ne sais pas, je n'ai que des gars.
M
Syl, le texte est aussi un peu dans le neutre, pour moi, parce qu'on ne "vit" pas dans la critique, l'hostilité ou l'encouragement. Ce sont des mots un peu neutres, trop généraux. Et il est bien trop dur d'offrir une éducation entière basée sur ces principes louables. Par contre le respect, le simple respect de leur être, quel cadeau à leur offrir, à nos petits êtres à élever (oui, élever vers eux, toujours plus). Pour qu'ils s'aiment.
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