Cinéma, enchères de chair
La violence est un spectacle qui m’est insoutenable. Je sais qu’elle existe, oui. La regarder, spectateur dépourvu de tout agissement possible, cela m’est insoutenable. Je n’ai pas besoin de voir des corps mutilés pour savoir l’horreur de la guerre. Je n’ai pas besoin qu’un film me montre, image par image, cri par cri, goutte à goutte de sang, ce qu’est la souffrance. Je suis être humain, rien de ce qui touche l’humain ne m’est étranger, hélas. Combien de films ai-je ainsi choisi de ne pas aller voir, sachant que le metteur en scène aurait besoin de montrer, incapable de suggérer.
Et pourtant…
Vous souvenez-vous de ce beau film italien, « La vie est belle », de cet Umberto Benini, qui, tout en sourires, nous arracha des larmes ? Vous souvenez-vous, sans aucune image, ou une seule, si fugace qu’un enfant même pouvait la voir sans en faire des cauchemars, de l’horreur qui nous prenait alors aux tripes ?
Et pourtant…
Vous souvenez-vous d’ « Amen », de Costa Gavras ? De cette image de trains, de convois, lancinants ?
Je voudrais juste comprendre ; pourquoi certains ont-ils besoin de découper un corps sous nos yeux pour nous dire la mutilation ? Suis-je donc si mièvre ? Quelle tare est en moi qui me fit vomir, devant le seul film d’Arrabal que je vis ? Leçon amère, leçon que je refuse d’apprendre. Je ne veux pas être dans un fauteuil de velours, spectatrice ayant payé le droit de me complaire dans la violence mise en scène pour le « plaisir » des yeux, pour « enrichir » ma culture cinématographique. Voilà. J’espère que ce message n’est pas aussi « politiquement-correct » que Télérama. Je sais bien que ce Post fera se hausser de dédain les épaules de ces cinéphiles éclairés qui savent si bien parler d’images, de plans, de mise en scène, mais... je voudrais tant que nul n'oublie qu’il s’agit de chair. Et d'Hommes. Et qu'une vraie réalité de leurs souffrances, dans leurs chairs, existe. Pas dans un fauteuil de velours rouge. A 6€ la place. On se bouge et on se bat pour, on se bat contre ? Leurs réalités ? Avant de les oublier, à trop parler de ces si beaux films, si remuants, si dérangeants, qu'ils en feraient presque oublier qu'agir est un peu en notre pouvoir. J'ai failli écrire aussi tout ça, mais je me suis trouvée trop amère, alors j'ai barré.