La voleuse repentie
Madame,
au pied de votre sapin, vous trouverez un objet étrange
et pourtant familier. Emballé de soie fine et transparente. Peut-être
n'avez-vous guère remarqué qu'il s'était échappé de votre foyer. C'est
un tout petit objet, si doux. Mais je me devais de vous le rendre, car
il ne m'appartient pas. C'était un prêt, non, pas vraiment, plutôt un
emprunt. De plusieurs mois. Comme un vol, je le sais bien, puisque je
ne vous ai pas demandé de permission, quand je l'ai croisé, cet objet
qui vous est lié. Mes yeux ont juste brillé d'envie. Un peu trop ! Et
je l'ai caché au creux de mes paumes, au creux de mes rêves. Je savais
que je ne devais pas, madame, je le savais bien.
Madame, je l'ai
laissé prendre une place auprès de moi, glissé entre mes draps, dormant
dans ma messagerie, rêvant dans mon téléphone. Madame, il ne savait
pas. Qu'il ne devait pas s'y cacher davantage. Il se faisait petit,
pourtant, se déshabillant de sa peau de vos jours et de vos nuits.
Petit, si petit. Comme un songe enfui. En parfum qui s'évaporait en
bulles de savon.
Madame, ne froncez pas le sourcil, cet objet
transparent répond au doux nom de désir, d'une autre que vous.
Regardez, il est là, sous la boule rouge, celle qui est peinte de
flocons de polystyrène. Neige en toc, pour petit désir en brillant
zyrconium. Prenez en soin. Dépliez la feuille soyeuse de vos doigts
aimants, de vos doigts si patients. Petit désir avait pris des ailes,
la plume et la voix pour me bercer. Oui, je comprends que vous ne le
reconnaissiez pas ; vous pensez peut-être que je me trompe. C'est un
désir étrange que je vous rends de mon emprunt insolent. Un désir qui a
eu une vie différente, une vie volage. Des goûts et des heures
étrangères. Mais il vous appartient, madame, je vous l'assure.
Madame,
au pied de mon sapin, je glisserai, en souvenir de ce petit désir volé,
un bout d'écorce arrachée d'un jardin public. Et, sur une boule rouge,
quelques cristaux brillants de sel.
Bonnes fêtes à vous tous.
La voleuse repentie