Au service du temps
J'entrais dans la boutique à la façade de briques roses. "Au service
du temps". Je n'ai jamais mémorisé le nom de la rue. Qu'importe.
Il
démontait une pendule aux feuilles cornées et un peu jaunies, en
détachait les feuillets minutieusement. Lisait quelques mots effacés.
Par des larmes ? J'attendais. Il ne
faut pas être impatient de demander parfois. La couverture de l'horloge
au temps perdu aurait eu besoin de refermer ses écailles, son cuir
ressemblait à un
serpent qui mue. Je l'effleurais du doigt. Juste un peu. Sans la
bousculer. Les livres du temps enfui sont fragiles, ils aiment la
poussière et les cheveux blanchis. Il releva la tête. Se souvint.
---- Voyons, c'était il y a (...)
-----
Huit mois ! Je sais bien, c'est encore trop tôt ! Non, je ne venais pas que
prendre des nouvelles de ce temps blessé, je sais qu'il cicatrise
doucement, que vous en prenez soin, à le laisser dans le silence et le
sombre.
----- Je devine le pourquoi de votre visite alors...
Puis-je tenter ? Vous aimeriez que je vous donne un peu du parfum de ce
temps à venir ?
----- Rien ne vous remplacera jamais. Vous savez tant de choses. Comment avez-vous deviné ?
-----
Votre regard tout autour, à la recherche de ce qui n'est pas le temps
retrouvé. Ni le temps perdu. Ou blessé. Vous avez aiguisé votre coeur
et les secondes du temps à venir s'entendent en palpitements dans vos
yeux. Ne vous inquiétez pas, seul moi sait entendre cela !
---- J'ai
l'impression d'être si transparente près de vous, si démunie aussi.
Pouvez-vous m'aider ? M'offrir en espoirs de temps inconnus... la vie ?
L'autre vie ?
----- Je suis au service du temps, et vous m'offrez
en présent votre mémoire vive. Je sais le distordre dans ce qui vous
apaisera. Mais vous savez bien que (...)
----- (...) cela prendra encore et encore (...)
----- (...) oui, du temps présent. Soyez patiente.