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Motus et bouche cousue
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12 novembre 2005

Sables

Dans la salle aux sons souples il bougeait peu, balançant ses pieds sur le tabouret, adossé au comptoir de bois. Dans la salle où les corps dansaient, où les bouches éclataient parfois en rires joyeux, il souriait de son regard curieux. Parfois les autres venaient le rejoindre. Non, il était bien, là, à les regarder, il avait assez dansé pour l'instant.
Le rideau s'ouvrit, et elle se dessina en contre-jour. Apparition tardive, elle venait boire un dernier verre avec des amies. Quand les lumières de la salle éclairèrent son visage son regard surpris s'accrocha à elle. Elle lui rappelait un visage connu, familier, mais ne parvenait pas à raviver ce souvenir. Ce fut son sourire qui fit resurgir le nom. La Callas ! Elle avait sa grâce étrange, sa fierté douloureuse. Elle avait la beauté fulgurante de ces femmes d'un pays si proche et si différent. Elle allait vers les autres sans peur, de son sourire en demi-teinte. Oui, elle voulut bien partager le verre proposé, le tabouret avancé. Il sut que ses yeux clairs étaient le reflet ses sables du Maroc, et que la plus belle ville au monde était la cité pourpre, comme elle la nommait, Marrackech. Dieu qu'elle était belle; il ne pouvait détacher son regard, et elle n'avait pas peur d'y plonger le sien. Elle n'avait jamais peur, il le comprit. Elle aimait la vie. Et vivre. Parlait de son Pays, de ces maisons ouvertes à l'autre, de cette force qui lie les membres de ces familles immenses. Elle voulait repartir. N'était en France que depuis deux ans, pour régler son divorce d'avec son mari français. Pour que son fils ait lui aussi le droit d'avoir père et mère. Mais elle repartirait. Vers le soleil des coeurs. maria_callas
Ses mots avaient cette fierté des femmes intelligentes qui avaient supporté en souriant le mépris imbécile des inconnus enracinés. Sa maîtrise de droit international, ses diplômes d'école de commerce, ne lui avaient permis, à son arrivée, que de balayer les salles des restaurants. Et elle éclatait d'un sourire de diablesse en murmurant "qu'importe, l'argent balayé a la même valeur que l'argent plaidé". Elle était si belle. Si belle.... Et ses mots, emplis de douceur , vifs d'intelligence, bruts de toute hypocrisie. Elle faisait un peu peur aux hommes, et sa vie pleine d'amies la laissait souvent seule au coin de sa nuit.
Il l'écoutait, se croyait à l'opéra, devant cette femme qui chantait sa vie en mélodrames, qui riait de tout ce qui aurait anéanti tant d'autres. Elle posa ses mains sur son visage et y déposa un baiser. Sur ses lèvres. Il la regarda et lui dit sans penser une seconde que sa vie en changerait pour toujours, "je vous aime".
Ce soir, accompagné de cette femme étrange au regard des sables dorés, ce soir ils retourneraient dans cette salle aux sons souples. Son prénom si doux résonnerait en éclats de rire. Ce soir, j'accompagne cette Callas et son il danser en souriant. Ce soir, j'aurais moi aussi sur mes lèvres son prénom qui coule comme une source,  ses yeux de sable, et ses mots aussi forts que des rochers au vent.

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Commentaires
T
Je passais par là, en surfant comme les jeunes... Et je m'attarde sur ces quelques lignes, en les relisant, encore et encore. Mes mots ne pourrons jamais décrire la passion que vous (tu?) dégagez dans vos écris. Madame, je vous salue du plus profond de mon coeur, et vous souhaite tout le bonheur du monde.
M
Asterie, merci de ta visite, et bienvenue. Cette amie est un hommage vivant à toutes ces diablesses femmes qui ont vécu, comme elles voulaient le faire, librement, fièrement, malgré les règles rigides imposées. J'aurais une pensée pour toi ce soir !
A
De fil en aiguille en venant de chez Coumarine j'arrive ici et je suis émerveillé par cet hommage à la Diva avec en arrière plan des images d'un pays merveilleux que j'ai beaucoup fréquenté dans le passé et en particulier cette grande ville magique du nord de l'Afrique. <br /> Je rêve d'être ce il, je veux l'être, je le suis, à chacun ses rêves.
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