De guingois
En ce moment je fais beaucoup de choses de travers. Non, pas qu'avec
les onglets de mon tableur, au boulot, ça ce n'est rien, que du rattrapable. Je
tricote de travers certains moments, avec ceux que j'aime pourtant. Et
rien ne s'efface de ce qui est dit, est écrit. Je suis un peu de
travers moi-même, "de guingois" est d'ailleurs une expression que
j'affectionne ! Les murs de ma maison ont un siècle de travers, de
plafonds aux cloisons, à confronter
au niveau à bulle des maçons. Qui sont toujours effarés. Et moi ravie !
Car j'aime le "de
travers", le flou, le "pas à angle droit". Le "qui a vécu et cela se
voit". Comme les rides. J'aime ces plis qui façonnent, ces souvenirs
permanents de la vie ; pattes d'oie en plissé de rire, mes préférées.
Mais
j'oublie que les autres sont parfois si carrés. J'oublie
naïvement. Oui, je suis de "guingois naïf" pour corser le tout.
Peut-être cet adjectif "entière" ? Avec ses angles et ses bosses,
ses lumières et ses opacités. Ses paroles en torrents qui font parfois
se mélanger la boue, la vase. Moi, j'aime bien que l'eau bouillonne. Je
sais que dans des poches, à l'abri de rochers, elle va devenir claire
et transparente. Mais elle effraye aussi. Quand je raconte ce que
j'aurais du taire. De ce que je vis, violemment parfois. Comme du
plâtre, qui semble doux et fin, et va s'agglomérer en crème puis en
enduit solide. Je me transforme. Et pourtant... je suis tout cela. Ce
mélange. Et je blesse parfois de ne pas être ce que l'autre connait de
moi, de moi pour lui, bien sûr ; la douce aimée ou la rigolote du café,
la studieuse
bosseuse ou la déjantée en sortie. Oui, je suis de mélanges d'humeurs,
de pigments en arc-en-ciel. Oui j'ai envie parfois de parler trop fort,
de séduire, de faire la folle, d'en jouer même. De pleurer pour un rien
ou d'éclater d'un fou rire inextinguible. De "faire mon intéressante".
A défaut d'y croire moi-même.