Son bonnet rouge
Sur la jetée, assise sagement, elle attendait.
Remontait sur ses épaules sa veste molle. Elle frissonnait des embruns salés qui l'enveloppaient. A côté d'elle, déposé là, son petit bonnet rouge lorgnait de sa couleur le regard des passants.
Elle attendait.
Ne voyait même plus leur pas pressé, leur regard un peu surpris de croiser cette tache rouge. Certains y jetaient une pièce, mais elle leur souriait en disant que non, ce n'était pas ce qu'elle demandait. Parfois elle allumait une cigarette, jouait des couleurs de la braise et la laine du bonnet. Souriait.
Elle attendait et souriait.
Même quand une toute petite larme perlait de son oeil, personne ne pouvait la penser triste. C'était les embruns, certainement. Les passants se demandaient parfois si elle n'était pas un peu "dérangée", d'une sorte de folie douce qui l'aurait enfermée dans un cocon. Certains tentaient de lui parler et comprenaient bien vite qu'elle avait toute sa tête, que sa folie était ailleurs.
Elle attendait.
Des mots. Qui se seraient posés, tout doucement, et qui auraient fait chanter son petit bonnet. Elle aurait pris les petits mots, les aurait dépliés et défroissés. Doucement les aurait collés sur son coeur en chantant. Et se serait envolé avec eux. Les tenant par la main, pour faire une ronde douce.
Elle attendait.
Souriait en se souvenant. De ces mots d'antan, qu'elle murmurait, qui la faisaient s'endormir dans un sourire de rêves heureux.
La nuit tombait. Elle reprit son petit bonnet, l'enfonça jusqu'aux oreilles, pour ne plus rien entendre de leur silence. La porte grinçait un peu, elle aimait entendre qu'elle vivait elle aussi, un peu, de ses mots crissant. Elle plongea son nez dans l'odeur salée de son bonnet doux, l'accrocha au clou.
Elle pleurait. En silence.
Demain. Elle attendrait.