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Motus et bouche cousue
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26 septembre 2005

Derrière les cloisons de la vie

Il était là, dans sa voiture, à côté de la mienne. Il sanglotait, sans retenue, essuyait les bulles de son nez et ses joues rougies de sa chemise. Il pleurait et s'en foutait bien de ces files de voiture autour de lui. Il était ailleurs, dans ce chagrin, le sien. Je baissai les yeux. Nous étions là, comme humanité en cellules. Il démarra, les yeux gonflés, repartit vers ce nulle part, en pleurant.

La terrasse du café s'était déplacée le plus prêt possible de la rivière en contrebas. Je n'avais pu que m'arrêter là, sous ces platanes, m'asseoir à une table ronde à l'ombre. J'étais bien, il faisait si bon rouler en moto. A côté de moi, cette famille si bien mise, aux grands enfants silencieux. Un silence de plomb. Pas un silence rêveur, non, un silence pesé. Et je la vis. Elle, la mère, l'épouse. Son regard effrayé à chacun des mots qu'elle disait, comme articulés. Articulés par la peur. Elle avait peur. De lui, son mari. Cela crevait la voix, cela crevait dans ses yeux, ces gouttes silencieuses de peur. Lui l'écoutait, avec une moue serrée, un regard qui pesait ce qu'il entendait. Il la battait. Elle avait peur de ce qu'elle disait. Cet homme terrorisait femme et enfants. Famille bien mise, famille soumise. Ils se levèrent, leur regard toujours à l'affût de ses gestes à lui. Et partirent vers ailleurs, vers ce chez eux inconnu, avec dans leur pas les boulets de la peur.

Il faisait gris, il faisait doux. Elle sortit sur le seuil de la clinique. Elle ne regardait rien. S'assit sur les marches vides. Alluma sa cigarette. Soudain, sans crier gare elle éclata en sanglots. Ses épaules secouées, son mouchoir détrempé. Il faisait doux. Elle serrait son cache-coeur de laine rose autour d'elle, frissonnait d'un froid inconnu. Elle se releva, essuya ses yeux, sourit au vide et reprit le chemin de la chambre. Partit vers cet inconnu si familier.

L'immeuble était haut, si haut qu'il donnait le vertige. L'enfant criait. L'homme hurlait. De quelle fenêtre ? Elle était glacée. D'où ? D'où ? Elle continua d'avancer sur le trottoir, le pas si lourd des cris.  Ses pensées parlaient à l'enfant là haut. Courage, petit être, accroche toi, ils ne sont pas tous comme ça, tu verras. Ferme tes oreilles, ferme ton coeur, ce n'est que ta peau qu'il frappe de ses mots, qu'il frappe de ses poings.

Derrière, si près, si loin, à côté de nous. La douleur, la peur, la haine.
Le bonheur est-il donc si silencieux que l'on entend guère ses chuchotements et ses soupirs ?
En lisant cette note d'Olivier j'ai eu envie d'écrire ces mots.

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Commentaires
M
*Mirae, entre lumière et cri, nous fermons parfois les yeux mais avons plus de mal à boucher nos oreilles...<br /> *Dia, n'avons-nous pas tous connu ces cris d'enfants qui nous arrachaient des douleurs de ne rien pouvoir faire (je ne parle que de cette violence si banale, pas d'enfants martyrs )? Moi, je pense très fort à eux dans ces cas là, je leur parle vraiment, j'espère que parfois ils m'entendent.
M
Pancho, merci... mais qu'il est parfois difficile de discerner le vécu de l'observé...<br /> Pour cette famille là ? Oui, simple spectatrice, donc un peu "vécu", mais par l'imagination du ressenti !
D
Lecture achevée avec les yeux "emperlés"...
M
Le malheur et la tristesse ne nous laisent pas indifférents, il sont plus criiants que le bonheur qui lui est merveilleusement étincellant.
P
Bien senti.J'ai cru que l'histoire de la famille bien mise c'était du vécu,en tant que spectatrice.Puis je me suis dit Non c'est d'elle qu'elle parle.Et puis Tiens : c'est imaginé <br /> (presque déçu:quel voyeur je fais!..)<br /> Faut dire que le vécu,d'après ce que j'ai lu dans ces pages,<br /> elle en parle bien,la Mouette...<br /> Chapeau bas.
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