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Motus et bouche cousue
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23 mai 2005

Corrida interrompue

L'arène. Noire de ce monde qui entourait cette plage presque vide. Le silence était étouffant.
Le taureau était déjà presque à terre pourtant. Banderilles plantées. Fines lames aiguisées, surmontées de tissus colorés, gluantes de son sang épais.
Matador en habit de lumière, matador que le taureau suppliait de se livrer à un combat à armes égales. Ils se regardaient, sans haine, avec la fierté d'accomplir chacun son destin.
La première banderille s'était fichée dans sa gorge. "Sais-tu que eux, là-bas, se moquent bien de ton destin? ". Taureau ne comprit pas, baissa la tête, fut transpercé. Il se dit que celle-là ne comptait pas, que c'était juste pour tenter de l'impressionner.
Taureau avait compris qu'un combat se déroulait dans l'arène. Il ne savait pas qu'il était le deuxième acteur.
Un coup le paralysa, empêcha tout mouvement pour esquiver la lame qui se planta dans sa chair, la seconde : "Sais-tu que tu es taureau destructeur ?".
Tu es si beau, mon taureau, dans cette arène, tu es à moi.
Banderille plantée, la troisième. " Tes taurillons souffrent de toi, Taureau malsain ". L'animal ne sentit pas les plaies dans sa chair, l'animal gémit d'une autre douleur.
L'homme en habit de lumière lui dit combien il était fort et beau, combien jamais il ne vit plus belle bête, combien il était fier d'être dans l'arène auprès de lui, pour toujours. Taureau vit briller ses yeux, et redressa un peu son échine pesante.
Mais il sentait la vie qui s'écoulait de ces lames fichées en lui. Chacun de ses pas le blessait davantage. Il faiblissait. Le combat serait bref. Il allait tomber. Se laisser aller au sol. Il attendait sa mise à mort.
L'homme en habit de lumière se sentait fort et puissant, malgré son corps si fin.
La foule dans l'arène trouva le combat inégal. Des voix jaillirent, (So, merci pour tes mots qu'il entendit malgré la mise à mal) encouragèrent l'animal, huèrent le matador trop sûr de lui. Et il ne sut pas arrêter. Il tenta de planter sa dernière banderille, mais elle ne put que se briser au sol "Là où tu travailles, Taureau , je sais bien que l'on dit de toi ..." Taureau recula violemment. Quoi, que disait-il là, cet homme si preste ? Taureau sait que le fermier qui le soigne dit d'elle que c'est une belle brave bête, que d'autres parfois louent les services de ce taureau qui ne rechigne pas. Qu'avec les autres taureaux de son champ ils forment une équipe qui marche. Taureau comprend que les phrases du matador n'étaient dites que pour l'affaiblir. Taureau pouvait douter d'être bon père, il ne savait plus, bon ami, l'était-il? (C'était son coeur qui entendait ces mots, pas sa raison, et il doutait tant de lui-même alors)...mais pas bon travailleur. Ca il le savait bien. Il suffit parfois d'une phrase en trop, de chuchotements dans la foule...
Taureau ne voulait plus de ce combat. Il comprit la stupidité de ces jeux où personne ne gagne. Il ne mit pas le matador au sol. Il le laissa là, dans cette arène inutile et vaine, seul. Il fracassa les barrières de bois qui le cernaient. Taureau lèche ses plaies dans un champ. Certains ont enlevé les banderilles fichées. Quelques cicatrices, cela va bien au cuir tanné de la bête.
Depuis, le matamor au combat inutile appelle le taureau de sa douce voix. Ce n'est plus que vent dans les bois. La bête a entendu la menace derrière cette douceur exquise. Il sourit d'avoir fui du labyrinthe de l'arène. Juste à tant.

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Commentaires
M
Fine lame tu es, prêt à l'esquive quand l'attaque se précise...hi hi !
S
me rappelais plus de la 4ème de couverture, j'ai donc eu de l'intuition, en quelque sorte
M
Acheté. Et, en 4ème de couverture, lire ; "(...) Brutus est tout entier baigné d'une foi exemplaire : celle de ceux qui ne se renient jamais". <br /> Est-ce la raison de ton conseil, ou, plus prosaïquement, l'image du Taureau... J'ai un doute...
S
chic alors.
M
A la demande générale, demain me verra guidant fébrilement mes pas vers la librairie, tendre la main vers le livre convoité, le payer, et même le lire!
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