Ininterrompue, à jamais
Je t'offre mon coeur,
aux réseaux veinés.
Pour toi, sa vie fragile,
en battements imperceptibles.
Je t'offre mon coeur,
aux flèches poudrées.
Pour toi, son or,
en parfum voluptueux.
Je t'offre mon coeur,
en éclats brisés.
Pour toi, sa transparence,
aux éclats coupants.
Je t'offre mon coeur,
en couronne étoilée.
Pour toi, sa singularité,
en diadème rosé.
Et
quand tu auras fait sourdre la vie en palpitements, quand tu auras poudré d'or nos
rêves, et rayé ma vie de ta voix, quand tu auras éclairé
nos nuits d'étoiles rosées... je te dirai la poésie qui est tout.
Je te dirai, comme lui, que, pour me trouver des raisons
de vivre, j'ai tenté de détruire mes raisons de t'aimer. Pour me trouver des raisons de t'aimer, j'ai mal vécu.
Hier c'est la jeunesse hier c'est
la promesse
Pour qu'un seul baiser la retienne
Pour que l'entoure le plaisir
Comme un été blanc bleu et blanc
Pour qu'il lui soit règle d'or pur
Pour que sa gorge bouge douce
Sous la chaleur tirant la chair
Vers une caresse infinie
Pour qu'elle soit comme une plaine
Nue et visible de partout
Pour qu'elle soit comme une pluie
Miraculeuse sans nuage
Comme un pluie entre deux feux
Comme une larme entre deux rires
Pour qu'elle soit neige bénie
Sous l'aile tiède d'un oiseau
Lorsque le sang coule plus vite
Dans les veines du vent nouveau
Pour que ses paupières ouvertes
Approfondissent la lumière
Parfum total à son image
Pour que sa bouche et le silence
Intelligibles se comprennent
Pour que ses mains posent leur paume
Sur chaque tête qui s'éveille
Pour que les lignes de ses mains
Se continuent dans d'autres mains
Distances à passer le temps
Je fortifierai mon délire
Paul ELUARD, Poésie ininterrompue (1946)