Minuit trente
Aller, on y va. Hop, le blush sur les joues, le gris sur la
paupière. Les petits talons. Le pantalon souple. Le poil suffisament
décoiffé ? C'est parfait. Psssiiittt, trois ptits coups de parfum. Mon
Ambre favori, qui réchauffe mon nez quand ma peau s'échauffe. Je vais
danser. Vivre en procuration de musique et de mon corps qui s'échappe de
moi.
Elles ont dit "minuit, on ne fera pas de bruit, le carosse sera devant chez toi".
Je les connais, ce sera minuit trente, elles sont toujours en retard.
Il paraît que l'on reconnaît les vraies filles à ça. Je n'ai donc
aucune chance de rivaliser avec elle. On me nomme mouette ponctuelle.
La
mère est partie dormir. Elle a besoin de force pour les trois heures de
train demain. M'a recommandé de ne pas oublier de la réveiller. Un peu inquiète.
Mais voui, maman, j'ai déjà mis mon réveil. Mais voui, je sais, je vais peu dormir.
Mais
non, tout va aller, demain je me rattraperai. Comment ? Non, pas
demain, tu as raison, j'ai des amis à la maison. Et bien après-demain.
Le réveillon, non, pas cette année. Oui, je verrai l'an prochain.
Mais
non, tu sais, ce n'est qu'une fête conventionnelle. Et je n'aime pas
les baisers à minuit. Sur la joue. Je n'aime pas du tout. Mais oui,
j'ai été invitée. Par des qui ont pris la même voix que toi. Tu es
seule le 31 ? Mon dieu, vais-je survivre ? Mais oui ! J'ai des livres à
finir, des notes à écrire. Des cigarettes à fumer.
Je veux
rester là. Avec moi. Et même si je pouvais être en train de dormir à
minuit, et bien je le ferai. Pour ne penser à rien ni à personne.