Quelques mots...de ton fils
Ca tanguait.Elle s'accrocha à son bureau. Lisait, relisait, les mots en tempête. Les imprima, les plia, déplia, lu et relu.
Elle avait le mal de mère.
Il
lui faisait son procès, c'était comme cela qu'elle le lisait. Son message commençait ainsi
"Quelques mots...".
Dans la salle vide, le plaignant accusait. Le plaignant, devenu adulte,
lui faisait un procès. Entouré de mots qui réconfortent. Comme ces
lettres terribles, où une seule phrase, au milieu, annonce la mauvaise
nouvelle.
Elle pleura. Accrochée à son bureau. Affalée sur la table. Assise sur les toilettes. Adossée à un arbre. Pendue au téléphone.
Il accusait...son "manque de naturel"...
comme il l'avait bien cernée ! Que croyait-il donc ? Que son sourire
n'était pas parfois son rôle le plus difficile ? Que savait-il, lui,
son fils, de sa vie ? Ce qu'elle avait accepté d'en montrer. Que
savait-il de ses cauchemars, de sa terreur de ne pas y arriver, parfois
? A les guider vers leurs vies d'adultes, lui et eux ? Elle le savait
bien qu'elle jouait la comédie, parfois. Aurait aimé ne plus se réveiller pour
vivre demain. Parfois. Quand cela était trop difficile. "Tu aurais du agir, tu as été aveugle."
Oh, s'il savait ! Combien elle avait eu peur. Parfois. Elle n'avait pas
pu agir. Avait tenté d'apaiser, de garder malgré tout, un
faux-semblant. Jusqu'à ce qu'il vole en éclats. Elle ne pouvait pas,
avant, n'avait pas eu la force. Non, elle n'avait pas voulu pleurer dans
leurs bras. Elle avait voulu être forte, et responsable. Et seule, aussi.
Elle pleura, en lisant à haute voix. Sanglota pour de bon. Le naturel revenait.
Eux, lui dirent les mots qui lui enlevèrent ce mal de mère. Ils lui dirent on t'aime. Elles lui dirent, nous on aimerait bien plus tard être une mère comme toi. Elle releva la tête. Putain, ça n'arrange rien ces yeux tout rouge ! J'ai l'air de quoi, maintenant ! Va écrire, m'man. Il faut que tu lui répondes, au frère. Elle acquiesça. Un peu plus tard. Maintenant, les mots seraient trop en maux.
Ils cassèrent le père Noël en chocolat. Rien ne vaut un bout de douceur partagée pour guérir le mal de mère.