Automne des mots
Feuilles blanches, fouillis de mots, feuilles en papier brut, feuilles enfuies, feuilles dont des fils parcourent la trame épaisse, feuilles de couleurs pastel, feuilles bleuies, feuilles noircies, feuilles agrafées, feuilles éparpillées, feuilles délavées de larmes, feuilles impudiques, feuilles de vigne envolées, feuilles froissées, feuilles déchirées, feuilles vomies, feuilles honnies, feuilles pliées si souvent que des phrases y ont disparues, feuilles comme ma peau, striées de cicatrices, de croûtes arrachées, feuilles de soie douce et friable, feuilles jaunies, feuilles scotchées, feuilles éparpillées, feuilles arrachées, feuilles d’un seul côté, feuilles recto-verso, feuilles toutes petites d’être bouts arrachés, feuilles qui se déplient, qui se dévorent, feuilles en confettis de rage, feuilles de stupeur d’avoir été écrites, feuilles en papier avion, feuilles tatouées dans mon cœur, feuilles postées, feuilles gardées et perdues, feuilles éperdues, feuilles volées, feuilles retrouvées et dérobées….je vous ai détruites, feuilles de ma vie. Certaines doivent traîner dans quelques tiroirs qui ne sont pas à moi, dans quelques livres en marque-page de ma vie jetée sur papier.
Feuilles maudites si je vous retrouve seul le feu vous parlera.
J’ai jeté ma vie écrite, l’ai piétinée rageusement, déchiquetée en pleurant.
Ce fut votre automne, feuilles ramassées à la pelle.
J’ai planté des persistants dans mon jardin secret.
Leurs feuilles sont aiguilles qui tissent l’ouvrage de ma vie.
Je ne dépose plus en lettres coulées, je frappe, scande mon clavier.
Plus de lettres pliées, elles sont droites et rigides comme des ifs.
Je vous aimais, feuilles blanches, bleues et noires ;mais je ne pouvais que vous détruire.
Je partage mes mots maintenant. Ces ailes les ont rendus libres.