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Motus et bouche cousue
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6 juin 2005

Adieu

Mon Père est mort il y a un an. Ses cendres volent dans le Pays Basque. J'ai eu de la chance, nous nous sommes dit Adieu (quoique, "adieu", pour un libre-penseur, celà me fait sourire!).
Mon Père nous parlait souvent de sa mort. Pour lui, c'était fin naturelle de toute vie. Pour moi aussi. Mais combien de gens ai-je pu blesser -involontairement- en ne craignant pas la mort. En parlant de la mienne comme de tout autre chose, sans peur ni déni. En parlant de la leur, sans savoir qu'elle était terreur pour eux.
Mon Père était d'un intelligence extrême ; on parlerait certainement de surdoué de nos jours ! (je vous donne l'exemple de sa scolarité lycéenne. Il passa de la troisième à la première, puis passa deux bacs, en même temps, ne sachant lequel vraiment choisir. Les obtint tous deux...). Bien évidemment, je posais problème d'être fille "ainsi" ; peut-être intelligente, mais surtout exprimant un vrai penchant pour les humains, l'écriture, la vie avec les autres, mais pas pour les études. Mon obsession fut donc d'obtenir mon passeport vers la fuite de ce Père là. Bac en poche, admission à un quelconque concours, même mineure, j'avais le droit de partir. Ce que je fis. Ils me coupèrent bientôt les vivres (je ne les blâme pas, j'étais bien trop différente).
Je les revis longtemps après, déjà maman de trois enfants, enceinte du quatrième... Ils me firent la bise comme si hier était mes 17 ans.
Le blâme muet devant ma vie si différente (non, je n'ai pas fait d'études, oui, j'ai divorcé deux fois...). Je n'ai jamais pu faire qu'ils soient fiers de moi. Ah là là, ça fait le bonheur des psy, je vous le dis!!
Par la suite je connus un passage difficile dans ma vie. Et j'étais si mal que je finis par trouver un moyen de m'évader de ma tête, passer un de ces concours que l'on me proposait depuis si longtemps. Cela m'occupa quelques mois, je ne craignais plus aucun échec, puisque l'on ne meurt même pas d'un chagrin d'amour. J'eus mon concours. Il en fut fier (quelle drôle d'idée pourtant, ce n'était qu'un concours!). Au même moment, mon Père prit connaissance de sa tumeur au cerveau. Il cerna vite le devenir de la maladie. M'appela.
"Ton frère et ta soeur ne me laisseront pas être libre jusqu'au bout. Je refuse d'être diminué, tu le sais, je l'ai toujours dit. J'ai bien vécu, je peux partir. A toi de faire respecter cela, je sais que je peux compter sur toi. S'il-te-plaît."
" Oui,  je le ferai." Il m'éduqua, bien, je me devais de l'en remercier.
Pas toujours facile de dire à sa Mère, le plus doucement possible, tu sais, il ne voulait pas, t'en souviens-tu ? Oui, les chirurgiens disent, mais lui... Une opération. Une seule. Et s'il en est diminué nous ne le laisserons pas, je te promets.
Je pus le voir. Il m'a pris la main, m'a dit ces simples mots "Je suis fier de la vie que tu as su mener." Je l'ai ramené chez lui une dernière fois, il a pu admirer ses azalées flamboyantes. M'a dit "Repars, tu as de la route à faire. Merci d'être venue".
L'hôpital nous appela quelques jours après. Soeurette et moi partîmes bien vite. Nous arrivâmes juste après qu'il soit mort, comme un grand, tout doucement, avec la main de sa femme, ma mère,  dans la sienne. J'ai pu embrasser sa joue encore chaude. Et lui dit en dernier clin d'oeil "Toujours pressé, papa, tu n'as même pas pu nous attendre". C'est la première fois depuis si longtemps que je l'appelais "Papa"...
Et j'ai aussi promis à ma mère que jamais je ne les laisserai la diminuer.
Faire la paix avec ceux qui partent est un grand bonheur.

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Commentaires
S
tu as déjà trouvé ta sagesse.
M
Ces mots là, je les porte en moi depuis un an. La paix retrouvée, les mots dits et tant attendus!, ce message pour que tous, nous disions avant. Dire que nous aimons, que nous sommes fiers, même si... car tout n'est jamais à rejeter chez un être. Il est des mots qu'on attend toute une vie. Et la vie est si longue. Parlons, avant de partir. Parlons le pardon, pour offrir la paix.
R
Des parcours pareils, des parents pareils... encore on se ressemble ??? pfff !!! ;-)
S
j'ai du mal à commenter là, je m'abstiens donc. Ce que tu dis est beau. Comme toujours.
D
...c'est si joliment écrit...
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